• Histoire du village du Brûlé

    HISTORIQUE 
    En 1854, Gaultier De Rontonay fit tracer le premier chemin reliant les deux villes permettant ainsi un meilleur flux des marchandises.
    En 1880, face à l'engouement pour ce village impaludé réputé "véritable changement d'air", un projet de téléférique vit le jour, mais fut rapidement avorté. Bien plus tard, l'ouverture de la route du littoral et l'attrait balnéaire ont bouleversé toute l'économie du Brûlé qui aujourd'hui tend à devenir une zone résidentielle pour les travailleurs dyonisiens.
    Il subsiste un peu d'artisanat, axé sur le rotin, le bambou, la viande de cerf et la confection (de plus en plus rare) de bouquets de tête pour la fête des morts mais également pour les fêtes Tamoules ou malbars.
    Le Brûlé, un magnifique petit village qui conserve son âme "lontan" : 1 274 habitants en 1974 et 1 600 en 1999, même la démographie galopante des basses terres ne semblent pas avoir d'emprise.
    Point de départ pour la randonnée de la Roche Ecrite, cette perle réunionnaise reste à inscrire sur la liste des visites, ne serait-ce que pour la petite grotte de Lourdes édifiée au sommet du village.

     

     L’histoire du Brûlé - “Brûlé” car on y fabriquait du charbon de bois et la fumée dégagée par la combustion noyait les pentes (Jacques Lougnon rappelle dans ses écrits que le Brûlé a alimenté la ville de Saint-Denis en charbon de bois pendant près d’un siècle) - est une suite de brusques accélérations et de longues plages de léthargie. Jusque dans les années 1800, ce lieu-dit bordé à l’Ouest par la rivière Saint-Denis et à l’Est par la ravine Montplaisir, étagé de 400 à 1 000 mètres d’altitude entre le Bassin Couderc et la Roche-Ecrite, n’est somme toute qu’une étape. Parmi les maraîchers de Salazie, de Grand-Ilet notamment, qui transitaient par le Brûlé avant de dégringoler vers Saint-Denis, certains feront souche. Après tout, la terre était fertile et bien plus proche du consommateur final... On en vient et y accède alors par un chemin de terre que Bory de Saint-Vincent décrit en 1802 : “(le chemin) traversait la ravine aux Noirs et desservait, en montant par une pente tantôt douce, des champs couverts de caféiers et de cultures”. Au gouverneur Graeb (1846-1848) revient l’impulsion fondatrice. Ce dernier estime en effet qu’une large voie de communication doit relier le chef-lieu au Brûlé. Manu militari, un ingénieur - un certain Maillard - est chargé de dessiner la future voie d’accès. Mais les premiers travaux ne commenceront qu’en 1850 sous l’impulsion de Candide Azéma, maire de la ville de Saint-Denis, de 1849 à 1852, et grâce à la générosité de Julien Gaultier de Rontaunay, directeur de l’Intérieur par interim. Ce dernier consentira un emprunt de 12 000 francs de l’époque à la mairie, afin de financer le chantier.

    Un village fantôme dix mois sur douze. La route, enfin, sera inaugurée le 22 avril 1854. Ce jour-là, Rontaunay explique les raisons qui l’ont conduit à jouer les mécènes : “Le Brûlé, c’est la santé pour le malade, le rétablissement prompt et sûr pour le convalescent, la vie souvent pour ces pauvres enfants que la nature a fait tributaires de tant de maux. C’était aussi dans ma pensée la santé retrouvée pour nos braves marins et soldats qui vont puiser sur des rivages pestilentiels le germe de ces longues fièvres si difficiles à guérir”. Le jour de l’inauguration, on célèbre “la munificence de cet honorable citoyen” à qui l’on doit la route, d’ailleurs baptisée d’après lui. Tout le long du chemin, des drapeaux aux initiales du grand homme ont été fichés sur des poteaux. A l’entrée du village, une fanfare donnera l’aubade. Un jour de fête ! Car un village a finalement poussé sur ces pentes. Un drôle de village, plutôt fantôme, dix mois sur douze. Les “Salaziens”, quelques affranchis et engagés y vivent à l’année. Ils améliorent l’ordinaire en gardant la propriété des bourgeois de Saint-Denis. En janvier et février, au moment des plus fortes chaleurs, ces possédants grimpent bien vite au Brûlé où ils savent trouver la fraîcheur. Un périple que décrit Louis Héry dans une relation de voyage parue le 20 mars 1888, la carriole tractée par un poney qui l’emmène au pied des rampes de la Montagne, et les “deux vigoureuses mules” qui sont attelées pour effectuer l’ascension finale. En 1854, on accédait encore au plateau du Brûlé en chaise à porteurs...

    Un “chemin de fer” pour le Brûlé. Un périple dans un confort relatif et au bout : “La Suisse avec son manteau de fleurs écarlates, avec ses cascades d’un blanc de lait dont le lâcis argenté chatoie en glissant sur le velours d’une mousse aux nuances d’émeraude (...)”, écrit Louis Héry en 1888. Cette promesse d’Eden valait bien un petit effort. “Cette séduisante oasis est masquée par la pente aride qui lui sert de repoussoir. Mais gravissez cette pente, franchissez le désert qui précède la terre promise et vous serez amplement dédommagés car d’un bond, vous passerez du Sénégal au Languedoc, de l’Afrique à l’Europe”. Le bond serait bien plus vite fait en funiculaire. L’idée émane de Louis Deroux, avoué à Saint-Denis et fils de propriétaire au Brûlé. Pourquoi ne pas relier les deux sites, se dit-il ? En 1875, lorsqu’il a cette vision, un recensement est effectué. La population du Brûlé se compose alors de 398 personnes dont 17 propriétaires, 214 cultivateurs fermiers ou engagés, 165 femmes et enfants. Cinq ans plus tard, Deroux confie à l’ingénieur Triboulet, conducteur de la compagnie du Port, l’étude des travaux. En 1883, Deroux prend la tête d’un comité pour la réalisation du funiculaire. En 1885, il obtient du conseil général la concession de la “voie ferrée” du Brûlé. Une “voie ferrée” bigre... En 1886, le gouverneur autorise les travaux et les déclare d’utilité publique. La conférence donnée par Deroux à l’hôtel de ville de Saint-Denis aurait-elle porté ses fruits ? Le document est conservé, précieusement, à la Bibliothèque départementale. On y lit la harangue et les précisions suivantes : “Le jour où le Brûlé serait habité et rattaché à Saint-Denis par une voie facile, on y aurait des produits de toute sorte et on aurait l’écoulement, on produirait notamment les salades, les animaux de basse-cour, les légumes nécessaires à l’approvisionnement de Saint-Denis”.

    Un franc le voyage ! Quelle facilité ce serait en effet de rallier le chef-lieu ! En dix minutes environ on grimperait les quelque 3 400 mètres de la voie rectiligne, partant de la rue de la Source au plateau-village du Brûlé. Pour cela, assure Deroux, il en coûtera 700 000 francs pour “les frais de première installation”. Mais pour mener à bien le projet, plusieurs conditions sont requises : l’abandon des impôts directs pendant une période de trente ans en contrepartie de l’abandon par les cultivateurs et propriétaires de la moitié du profit à réaliser sur les exploitations, l’exonération des droits d’entrée de la Colonie sur les matériaux à destination du “chemin de fer” du Brûlé. Les utilisateurs du futur funiculaire devront débourser 1 franc par voyage et il en coûtera 15 francs pour un abonnement mensuel à l’attention des écoliers. Il faudra également, enjoint Deroux, lutter contre la spéculation si l’on veut “grossir” la population du Brûlé. En 1887, le conseil municipal de Saint-Denis accorde à Louis Deroux une subvention de 10 000 francs par an pendant 30 ans. En 1901, il est question de créer une société anonyme par actions intitulée “Compagnie du chemin de fer du Brûlé” comme en atteste un document, non daté et non signé, également conservé à la Bibliothèque départementale. Pourtant, le projet tarde, bute et, finalement, en 1905, Louis Deroux fait savoir qu’il transfère ses droits au représentant d’un groupe de propriétaires. En 1910, l’administration relancera l’idée mais, pour mieux l’enterrer... Reste la route, en fer à cheval, le CD 42 depuis Bellepierre, et le CD 43 depuis les rampes de Saint-François, les quelque 12 kilomètres de cette fameuse “route du Brûlé” qu’empruntent tous les jours les résidants, les chanceux qui ont boulot et voiture - ils ne sont pas si nombreux là-haut - et le week-end, les propriétaires de maisons de “changement d’air”. Le progrès aidant, les chevaux fiscaux ont remplacé les “vigoureuses mules”.

    De nos jours
    Le Brûlé veut vivre.

    A force de faire le grand écart avec le chef-lieu qui le nourrit au goutte-à-goutte si parcimonieusement, et le laisse exsangue, le Brûlé a les muscles endoloris et le cerveau gourd. Le manque d’activités, l’enclavement ont déjà poussé certains à l’exode si l’on en juge par les statistiques tirées du recensement de 1999. Changerait-on d’air mais à l’envers ? Quelques-uns, pourtant, se battent pour sortir le village de la brume et de l’oubli.
    Des volets clos. Partout où le regard erre et sur 360°. En premier lieu, les battants de bois, vert d’eau, du “centre artisanal” sis en hauteur, sur la droite quand on fait face à l’église Saint-Etienne. “L’Association village Bambou et le collectif Bellepierre Brûlé vous souhaitent la bienvenue”, proclame un écriteau bien urbain. Cette phrase d’accueil est même traduite en anglais : “Welcome in the Brûlé village”, avec ce slogan, le “punch line” comme disent les publicitaires : “Associons nos forces pour notre avenir”. Tout cela est bel et bon mais la façade de ce local reste désespérément aveugle. Paraît que des travaux de second œuvre devraient être lancés dans un proche avenir (en 2006 le centre est fermé...)... Volets métalliques et coquille d’œuf, sur la gauche, à l’autre bout de la place des Azalées, au rez-de-chaussée du cube abritant la mairie annexe - les services ont été rapatriés au premier étage - et, à l’arrière, l’agence postale. Volets bleus de la salle polyvalente, en contrebas de la mairie annexe, bâtiment tout en pointes et en biseaux, “la verrue” jettent dédaigneusement certains. On y donne depuis trois mois des cours de karaté le mercredi après-midi . L’endroit ne bruit pourtant pas des mille-et-une activités que son volume impressionnant suggérerait, au grand dam d’ailleurs des jeunes du village...

    Le grand vide Volets tout aussi métalliques que ceux de l’épicerie tenue par un commerçant chinois et ses trois filles. Le rideau de fer est baissé entre midi et 15h, le soir à partir de 19h. Le commerce spécialisé dans le dépannage d’urgence - petite quincaillerie, légumes, charcuterie et conserves - fait chacune des années de son demi-siècle et plus d’existence. Volet également marron mais en bois, du snack concurrent tenu par Michel Bourhis, pile dans le virage d’entrée dans le bourg quand on vient de Bellepierre. Le snack est fermé depuis début 2006. Dire que le Brûlé a compté jusqu’à trois points de vente ! Il en reste un. Sylvie, Joëlle, Vincent et Thierry, qui nous viennent de “Paris, Aix-en-Provence et Lyon” n’ont eu d’autre choix que de saucissonner sur les marches du sentier menant vers la Roche Ecrite, première étape de leur périple pédestre de 15 jours à La Réunion. Fort heureusement pour eux, ils ont acheté à Saint-Denis les inévitables impedimenta, pains, fruits, eau et biscuits. De tréteaux sur le bord de la route vendant “mains” de bananes et autres petites productions fruitières, point... D’endroits pour se sustenter non plus, depuis la fermeture définitive du restaurant “Le Monplaisir”, chic et dispendieux, de son successeur, “La Route des épices” et de la table d’hôtes, renommée, de Jacqueline Lépée, cette dernière ayant remisé ses couverts en 1992. Du moins, celle-ci conserve-t-elle son activité de Gîte de France, commencée en décembre 1991.

    “Ce qu’on veut, on n’a pas !” Les deux bungalows et la chambre combinés, huit personnes peuvent coucher dans son petit paradis situé en contrebas de l’école primaire et du Centre de lecture. L’offre en matière d’hébergement est d’ailleurs diversifiée. Ou plutôt, était, diversifiée. René Robert, dont le Gîte de France a souvent affiché complet sur la route du Brûlé, côté rampes de Saint-François, met la clé sous la porte à compter du 17 décembre 2001 ! Volets clos encore et toujours s’agissant des kiosques érigés au coude à coude avec la salle polyvalente. L’un d’entre eux serait destiné à accueillir les associations du village, les autres abriteraient dans un futur plus ou moins lointain des activités artisanales... Dé-ses-pé-rant. Jérôme, 22 ans, Maurice, 36 ans, Yannick, 20 ans, et Jacky, Cédric, “Django”, un prénom d’emprunt, 21 ans, venus signer en mairie le renouvellement de leur contrat CES, hésitent entre colère et fatalité, cette bonne vieille fatalité. Comme d’hab, ils se sont réunis devant le snack dqui est fermé. “On s’assoit dehors, on joue aux cartes, on discute quand il fait beau... et on braconne. Si, au moins, on avait une médiathèque, un local à nous - celui qui existait a été fermé - un stade de football aux normes...” Ah, le stade de football ! Un “héritage”, comme dit pudiquement Pascal Grondin, l’adjoint spécial, l’enfant du pays. Comprenez le legs de l’ancienne administration dionysienne, “vendu” avant les élections municipales comme un espace vert. Le projet qui devait être réalisé sur le plateau de la zone de loisirs du Brûlé, ex-terrain de motocross, a finalement été monté vite fait mal fait tout contre l’église, à l’endroit même où devaient soi-disant sortir de terre quelques logements sociaux. Coût : 1,5 million de francs pour un terrain à peine plus grand et large qu’un court de tennis. Des cadenas interdisent l’entrée. En se penchant bien on entend presque l’herbe pousser. Alors, le FC Brûlé joue à Saint-François, faute de mieux... Une fois de plus, la population a découvert sur le tard un projet qui ne lui sied pas, auquel elle n’adhère pas.

    “On entend le silence” Laurence, maman de jumelles de 6 ans et d’une grande fille de 8 ans, a le sens de la synthèse. “Ce qu’on veut, on n’a pas et ce qu’on ne veut pas, on a !”, glousse-t-elle un peu nerveusement. Laurence fait bien sûr référence au Centre de placement immédiat pour mineurs délinquants ou “en difficulté”, le sujet dont on cause dans le village depuis l’annonce plus que tardive faite à la population (voir par ailleurs). La goutte sur le gâteau, la cerise qui fait déborder le vase. “Zot y fait un affaire et au dernier moment zot en parle à la population”, crache l’un des jeunes interrogés, dégoûté. La vie est bien mal faite ou serait-ce qu’on en veut aux habitants du Brûlé ? Les méprise-t-on donc pour les cantonner ainsi au rôle peu enviable d’éternelle cinquième roue du carrosse ? Voilà ce qu’il se murmure, dans ce pays où “l’on entend le silence” pour citer Alain-Marcel Vauthier, volontiers poète. Le conservateur de la Bibliothèque départementale, amoureux transi du Brûlé où son père, jeune avocat, a acquis du bien en 1937 réside ici les week-ends et pendant les vacances. Le coup de bambou asséné par l’Etat, si peu enclin à communiquer, a été assez puissant pour que certains risquent un nez en dehors des calumets ceinturant leur propriété. C’est dire... L’enclavement commence d’abord avec ces barrières végétales, à en croire Maurice Aubry, frère de Monseigneur, et son fils, plutôt casaniers eux-mêmes... Les lacets de la route, la fameuse route “Rontaunay”, et les carences du service de transport en commun sont d’autres obstacles à la libération des corps et des esprits. “Il y a encore deux ans une ligne de bus desservait le Brûlé mais on l’a arrêtée”, regrette “Django”. Le service de taxibus qui lui a fait suite ne l’a pas vraiment remplacé. “Il passe toutes les heures mais il s’en va d’abord à la Roche-Ecrite avant de redescendre au village. Quand il arrive il est plein et il faut attendre encore une heure ! Par ailleurs, il n’y a aucun transport le dimanche. On nous en a promis un pour septembre 2001 mais on attend toujours”, tempête Laurence. Les bras en tombent à la lecture de tout ce qui précède. Mais, quand bien même les obstacles, ou peut-être à cause d’eux, certains ont relevé le défi du développement ou travaillent tout simplement, humblement, pour la communauté.

    L’héroïsme au quotidien On pense en premier lieu au père Brachère qui se débat comme un beau diable, si l’on ose dire, entre ses deux paroisses, trois lieux de culte, ouailles à problème et pénurie de bonnes volontés. Le curé raconte la violence latente et souvent exprimée des jeunes du Brûlé, le chahut indescriptible à son arrivée il y a cinq ans. “J’ai remplacé au Brûlé Adrien Toulorge, un jésuite, et à Saint-François, André Mayer, prêtre diocésain, à la demande de Mgr Aubry. Je suis retraité et je travaille bénévolement sur ma seule pension de retraite. La nourriture n’est pas payée par la paroisse, je n’ai ni secrétaire ni femme de ménage et tout le produit de la quête reste ici. Allez proposer un tel poste à un jeune prêtre ! En contrepartie, je roule dans une voiture de fonction fournie par l’évêché...”, geint le prêtre. C’est également sur le ton de la confidence que Dominique Dambreville évoque ses allers-retours nocturnes quand un des petits internes du Centre de lecture-écriture est malade, les nuits qu’elle passe là-bas, ses travaux de couture incessants, le temps passé, bénévolement, à asseoir la réputation de sérieux pédagogique de cet établissement sans équivalent dans le département, à organiser ses cafés littéraires dominicaux et annuel - tiens, demain ! - ses efforts renouvelés pour entamer une collaboration avec l’école primaire du Brûlé avec laquelle elle partage locaux et cantine ... On pourrait également citer en exemple Jean-David Eléonor tout dévoué aux personnes âgées qui fréquentent assidûment la salle du troisième âge dont il a la responsabilité, mais aussi aux quelques vieilles personnes recluses chez elles à l’instar de la doyenne du village, Marie-Amelia Longins, 104 ans le 4 février 2002. On peut bâtir sur ces épaules-là.

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  • Commentaires

    1
    Lundi 26 Mai 2014 à 18:56
    maria Perrin

    je la connaissais déjà mais autrement cette histoire mais je la trouve sympa votre version...



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